Gestion du rythme de travail et des heures supplémentaires à bord des navires enregistrés sous pavillon français/RIF
Conformément à l’art. L. 5612-1 du code des transports, le corpus juridique relatif au droit du travail à bord des navires enregistrés au registre international du pavillon français (RIF) diffère selon le lieu de résidence du gens de mer :
Lieu de résidence du gens de mer | Cadre juridique | Remarque |
---|---|---|
Gens de mer qui réside en France | Application du Livre V de la cinquième partie du code des transports | Droit du travail identique à celui des gens de mer au premier registre du pavillon français |
Gens de mer qui ne réside pas en France | Application par principe du Livre VI de la cinquième partie du code des transports et, lorsque cela est explicitement prévu, des dispositions du Livre V (cf. la liste des dispositions juridiques concernées, mentionnées au 2° de l’art. L. 5612-1 du code des transports). | Droit du travail différent de celui des gens de mer au premier registre du pavillon français |
Définition du temps de travail effectif
Avant de distinguer le droit du travail selon le lieu de résidence, la définition du temps de travail effectif, commune à tous les salariés à bord, est fondamentale : « Est considéré comme temps de travail effectif à bord le temps pendant lequel le personnel embarqué est, par suite d’un ordre donné, à la disposition du capitaine, hors des locaux qui lui servent d’habitation à bord » (art. L. 5544-2, code des transports).
Distinction entre résidents en France et résidents hors de France
Le tableau synoptique publié ci-dessous permet de clarifier la législation et règlementation en vigueur s’agissant du rythme de travail applicable à bord des navires enregistrés sous pavillon français au RIF.
Registre des heures travaillées à bord
A bord de tous les navires enregistrés au RIF, un registre mentionnant les heures quotidiennes de travail et de repos des gens de mer doit être tenu à bord et mis à jour quotidiennement (art. L. 5623-4, code des transports).
Ce registre peut faire l’objet d’un contrôle du guichet unique.
Heures supplémentaires : rappel du cadre commun
En France, toutes les heures travaillées au-delà du seuil de la durée légale du travail, sans qu’elles ne puissent excéder le seuil de la durée maximale de travail, doivent être rémunérées ou compensées.
Vous trouverez ci-dessous un tableau synthétique des règles à respecter en matière de gestion des heures supplémentaires. A noter que l’employeur et le gens de mer déterminent dans le contrat d’engagement maritime (CEM) l’option de gestion des heures supplémentaires (rémunération supplémentaire ou repos compensateur).
Gestion des heures supplémentaires à bord des navires de transport et de services maritimes
Les dispositions du code du travail permettent d’aménager le rythme de travail à bord des navires sous pavillon français.
Art. L. 3121-41, code du travail : "Lorsqu’est mis en place un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, les heures supplémentaires sont décomptées à l’issue de cette période de référence."
Les partenaires sociaux du secteur du transport et des services maritimes ayant conclu une convention collective qui a été étendue au niveau national par décret, cette période de référence pour l’aménagement du temps de travail ne peut dépasser 3 ans.
En quoi consiste cet aménagement ? Art. L. 3121-41, code du travail :
- si la période de référence est annuelle, constituent des heures supplémentaires les seules heures effectuées au delà de 1 607 heures ;
- si la période de référence est inférieure ou supérieure à 1 an, constituent des heures supplémentaires les heures effectuées au delà d’une durée hebdomadaire moyenne de 35 heures calculée sur la période de référence.
Ces mesures prévues par le code du travail sont reprises et adaptées par la convention collective des personnels navigants officiers des entreprises de transport et services maritimes du 19 novembre 2012
Article 5.2 : "En application des articles L. 3122-2 et suivants du code du travail, le respect de la durée légale du travail et le décompte des heures supplémentaires s’apprécient dans le cadre de la période de référence. Ces heures supplémentaires peuvent être rémunérées au taux légal et/ ou faire l’objet d’un repos compensateur. Les entreprises peuvent déterminer dans le cadre de leur politique salariale de forfaitiser la rémunération ou la compensation des heures supplémentaires. Ces dispositions au sein d’une entreprise peuvent être différentes pour les officiers et pour les personnels d’exécution, compte tenu des contraintes spécifiques à chaque catégorie. […]
Un tableau de service est établi par le capitaine du navire qui consulte les délégués de bord. Il est annexé au journal de bord et affiché dans les locaux réservés à l’équipage. Le tableau indique pour chaque fonction :
- le programme de service à la mer et au port ;
- le nombre maximal d’heures de travail ou le nombre minimal d’heures de repos, prescrits par la législation, la réglementation et la convention collective applicable."
Article 5.5 :
"5.5.6. Compensation des heures supplémentaires : les heures supplémentaires (décomptées sur une semaine ou toute autre période supérieure et au plus égale à l’année), si elles ne sont pas rémunérées ou forfaitisées, font l’objet d’une compensation sous forme de repos compensateur de remplacement, conformément aux dispositions légales et réglementaires, et intégré dans le taux de repos-congés défini à l’article 5.5.8.
5.5.7. Compensation responsabilité : compte tenu du niveau particulier de responsabilité qui incombe aux navigants officiers et sauf accord d’entreprise particuliers organisant les congés différemment, les heures de travail réalisées au-delà de 48 heures hebdomadaire peuvent être forfaitisées par l’attribution d’un congé supplémentaire jusqu’à concurrence de 3 jours de congés compensatoires par mois d’embarquement effectif."
Gestion des heures supplémentaires à bord des navires de plaisance commerciale (yachts)
Le secteur du yachting commercial est très particulier du point de vue du rythme de travail : il se caractérise par sa saisonnalité (pic d’activité de charter/croisière entre avril et septembre) et son irrégularité (d’une semaine à l’autre, l’activité à bord fluctue beaucoup).
Dès lors, le régime du rythme de travail tel que prévu par le code du travail peut s’avérer inadapté dans le cadre d’un charter/croisière :
- salariés qui résident en France :
- 35 heures légales / semaine,
- au-delà, ce sont des heures supplémentaires (majorées ou compensées)
- plafond légal de durée de travail totale à 72 heures / semaine
- salariés qui ne résident pas en France :
- 48 heures légales / semaine,
- au-delà, ce sont des heures supplémentaires (majorées ou compensées)
- plafond légal de durée de travail totale à 208 heures / mois
Toutefois, la législation permet d’adapter ce régime par 2 moyens : l’aménagement de la période de référence et la forfaitisation.
L’aménagement de la période de référence des heures supplémentaires
Comme pour le secteur du transport et des services maritimes, l’employeur peut recourir à l’art. L. 3121-41 du code du travail : "Lorsqu’est mis en place un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, les heures supplémentaires sont décomptées à l’issue de cette période de référence."
Contrairement au secteur du transport et des services maritimes, le secteur du yachting en France n’est pas régi par une convention collective. Néanmoins, l’aménagement du temps de travail sur une période référence plus longue telle que l’annualisation est possible au yachting via un accord collectif d’entreprise et n’est pas limité à l’existence d’un accord de branche (art. L.3121-44, code du travail).
A défaut de l’existence d’un accord, l’art. L. 3121-45 du code du travail dispose que l’employeur ne peut alors aménager le temps de travail que sur une durée limitée :
- entreprise de moins de 50 salariés : aménagement sur une durée maximale de 9 semaines ;
- entreprise de 50 salariés et plus : aménagement sur une durée maximale de 4 semaines.
Une fois la décision prise par l’employeur de recourir à cet aménagement du temps de travail, plusieurs règles sont à observer (art. L. 3121-41 à L. 3121-47, code du travail) :
- le délai de prévenance des salariés en cas de changement de durée ou d’horaires de travail est fixé à 7 jours à défaut d’être stipulé dans l’accord ;
- le recours par l’employeur à ce dispositif ne constitue pas une modification du contrat d’engagement maritime ;
- si la période de référence est annuelle, constituent des heures supplémentaires les heures effectuées au-delà) de 1 607 heures ;
- si la période de référence est inférieure à 1 an, constituent des heures supplémentaires les heures effectuées au-delà d’une durée hebdomadaire moyenne de 35 heures calculée sur la période de référence (9 semaines ou 4 semaines) ;
- lorsqu’est mis en place un dispositif d’aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, les heures supplémentaires sont décomptées à l’issue de cette période de référence.
- Exemple : l’employeur d’un yacht de 5 membres d’équipages salariés met en place un aménagement du temps de travail du 1er juillet au 15 août : le décompte des heures supplémentaires effectuées à bord (au-delà de 35 heures / semaine pour les résidents en France) débutera à partir du 16 août.
Ce dispositif est adapté à la fluctuation de l’activité d’un yacht commercial en ce qu’il permet de lisser sur plusieurs semaines ou sur une année le volume très important d’heures supplémentaires impliquées par la hausse d’activité saisonnière.
La forfaitisation
L’art. L. 3121-53 du code du travail dispose que "la durée du travail peut être forfaitisée en heures ou en jours dans les conditions prévues aux sous-sections 2 et 3 de la présente section". Il précise ensuite que "le forfait en heures est hebdomadaire, mensuel ou annuel" (art. L. 3121-54, code du travail) et que "la forfaitisation de la durée du travail doit faire l’objet de l’accord du salarié et d’une convention individuelle de forfait établie par écrit" (art. L. 3121-55, code du travail). Cette forfaitisation horaire peut être hebdomadaire/mensuelle (art. L. 3121-56, code du travail). En revanche, pour qu’elle soit annuelle (art. L. 3121-58, code du travail), "un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche" doivent le prévoir (art. L. 3121-63, code du travail).
"Les dispositions de l’article L. 3121-28, du 1° du I, du 2° du II et du III de l’article L. 3121-33 ainsi que des articles L. 3121-36 et L. 3121-37 du code du travail sont applicables aux marins. Sans préjudice des dispositions des articles L. 3121-63 et L. 3121-64 du même code, une convention ou un accord collectif peut prévoir l’institution de modalités forfaitaires collectives de rémunération du travail supplémentaire" (art. L. 5544-8, code des transports).